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M’ENTENDS-TU?

Ceci N’EST PAS UN SPOILER. Il s’agit simplement d’un hommage à la série pour vous inciter à la regarder (TW violences sexuelles). « M’entends-tu? » est une série québécoise réalisée par Florence Longpré et sortie en 2018 (disponible sur Netflix).

Je pense que c’est précisément à ça que sert le cinéma. S’identifier, se sentir transportée dans une atmosphère aussi réelle que palpable. Vivre avec les personnages, se reconnaître en elles, souffrir, pleurer, se marrer, crier et respirer avec elles. J’ai eu l’impression de vivre leurs crises de panique, de vivre leurs angoisses, leurs peines comme leurs folies et leurs joies.

M’entends-tu, ça parle de violences, mais aussi de tout ce qu’il y a autour. Ca parle de liens, d’amitiés, de souffrances, de sensibilité, de colère, d’amour et de vie. L’environnement y est pesant, on ne va pas se mentir. Totalement envahissant et bouleversant, mais incroyablement touchant.

J’aurais pu vous parler de bande-son, d’esthétique, de costumes, d’actrices, de cadre… qui sont des éléments non-négligeables et qui participent largement à la qualité impressionnante de cette série, mais j’ai préféré vous parler de l’immatériel, de ce qui dépasse l’entendement, de ce qui m’a totalement renversé et bouleversé.

Les trois personnages principaux sont des femmes, des femmes qui vivent dans la précarité, mais pas dans la pauvreté, parce que leurs vies sont riches, riches en liens, en humanité, en passion… riches en vie. Entre soif de vivre et désespoir, cette série nous fait passer par tous les moments d’une vie.

J’ai eu besoin de quelques pauses, de quelques moments de répit, de reprise de souffle, de digestion si je puis dire.J’ai eu envie de pleurer, de hurler, de paniquer, de taper dans les murs, de faire la fête et de déprimer. Parfois tout ça en même temps. J’ai eu envie d’arrêter de regarder aussi peut-être, à certains moments. Parce que je ne vais pas vous mentir, cette série est dure et laisse peu d’espace à la tranquillité. Et pourtant, j’ai beaucoup ri, j’ai aussi eu des bouffées d’air frais, j’ai eu envie d’être dans l’écran et de m’allumer une clope avec elles.

Les violences sexuelles sont le sujet principal abordé dans cette œuvre et elles sont dépeintes d’une justesse et d’une subtilité bluffante. La solitude, la détresse, le silence, le dégoût, le déni… L’emprise qui nous séquestre, la culpabilité qui nous ronge, l’isolement qui nous enferme… Tous les éléments sont réunis et nous pouvons les ressentir avec une précision inquiétante, presque étouffante.La réalisatrice a eu l’intelligence de ne pas aborder les violences sexuelles sans toucher à tout ce qui peut graviter autour. Elles sont souvent entremêlées d’autres violences : la précarité, la prostitution, les violences conjugales, le racisme, la toxicomanie, l’alcoolisme… Les analyses de cet enchevêtrement de violences sont à la fois édifiantes, profondes et sensibles.

Trois femmes différentes, chacune leurs démons, leur personnalité et leur caractère. Trois femmes, trois destins qui se mêlent et une seule et unique amitié, une amitié indescriptible, intemporelle, inclassable, qu’on croirait presque incassable. C’est cette amitié qui permet d’aborder avec finesse l’empathie, la colère et l’hypersensibilité :

Comment gérer la souffrance de ses amies ? Comment ne pas la prendre pour soi ? Comment ne pas souffrir avec l’autre ? Souffrir pour ou à la place de l’autre ?

La société place souvent l’hypersensibilité du côté de la faiblesse et la colère des femmes du côté de l’hystérie : cette série remet les pendules à l’heure. L’hypersensibilité est une force et la colère une émotion normale et saine. Les personnages vivent à travers leur sensibilité, renversent la bienséance et dénoncent les codes d’une société dans laquelle la violence règne et tue.

La série permet également d’aborder la question de la gestion de cette colère, celle du « trop-plein » comme elles disent.

Qu’est-ce qu’on en fait ? Que faire pour ne pas être submergée, asphyxiée, suffoquée ? À partir de quand ma violence n’est-elle plus légitime ? Quand la société le décide ? Ou quand moi, je le décide ? Comment distinguer la colère de la vengeance ?

Toutes ces questions nourrissent la série, donnent vie aux personnages et déconstruisent les normes. Ces interrogations sont une fenêtre vers l’anéantissement des tabous, vers la destruction d’une société sexiste, patriarcale et profondément misogyne.

On n’aurait absolument pas envie d’être à leur place, parce que leur place est dure, leur place est cruelle et douloureuse, et pourtant, on aurait envie d’avoir leur lien, leur fougue, leur courage, leur je-m’en-foutisme et leur force. Elles sont inspirantes et belles. Elles sont meurtries et abîmées, mais putain, elles sont libres aussi. Et ça, ça ne fait aucun doute. Elles transpirent la souffrance, mais aussi paradoxalement la liberté et la folie. Parce qu’elles en font autre chose, parce qu’elles ont décidé que ce ne serait pas la société qui leur dicterait comment gérer leurs émotions.

Cette série se bat frontalement contre ce qui dérange, ce qui gêne, ce qui est banalisé et ce qui est soigneusement tu.

Cette série défonce le silence et transforme les barreaux en issues de secours.

Cette série est une ode à la résilience, au courage et à la force des femmes qui vivent les pires violences parce qu’elles sont des femmes

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