Identité

 

Purement fictive, fruit d’une invention sociale qui a pour objectif de rassurer les individus, de leur donner une raison d’exister.

L’identité, par essence, doit être singulière, particulière, personnelle. Elle doit faire en sorte qu’un individu soit unique, qu’il ne soit personne d’autre que lui-même. L’identité créer ce moi. Elle le fabrique et le conserve. Mais le moi existe-t’il vraiment ? Comment l’identité peut-elle représenter le moi, si celui-ci ne dépend que d’autrui ? Finalement, nous sommes fabriqués de toutes pièces par les autres, par les circonstances, par les expériences et les épreuves. Paradoxalement, les individus manquent cruellement d’individualité. Ils ne sont que le produit d’expériences et de rencontres passées. Produit d’une société qui nous dicte les comportements et les normes à adopter. L’identité est une croyance. Il est en effet vertigineux de se dire que nous n’avons absolument aucune essence, aucune particularité, aucune singularité. Que nous sommes finalement conditionnés à agir de telle ou telle manière en fonction des événements qui surviennent. Il est plus facile de plonger dans la croyance plutôt que d’admettre que nous sommes en quelque sorte, des robots commandés par un monstre social. L’individu n’existe que par et à travers la société, sans elle, il n’est rien, il n’existe plus. Après tout, comment être certain d’exister si autrui n’est pas la pour confirmer mon existence ? J’ai conscience que toutes mes actions, tous mes gestes, tout ce qui fait de moi qui je suis, n’est autre qu’une combinaison d’influences d’autrui que je reproduis et que je mets en scène méticuleusement. Les autres me façonnent, me construisent, me changent continuellement, me conditionnent, me font évoluer. Je suis les autres, et personne d’autre. Je ne suis pas moi. Je n’ai pas de moi. Les autres me font changer constamment, donc ce moi ne peut exister, il n’a aucune identité fixe, il ne peut exister dans la durée car il se transforme sans arrêt , il n’a pas d’essence, il n’est qu’un produit. Je ne peux pas me connaître, je ne peux pas connaître les autres. Je peux simplement anticiper des comportements, anticiper des actions. Réalité qui fait froid dans le dos. Comme il est rassurant de penser que l’on dispose d’une personnalité unique, d’une identité personnelle, que l’on dispose d’un moi. Quelle belle illusion que de croire que nous sommes unique en ce monde. Que notre personne ne peut être remplacée, qu’il n’y en a pas deux comme nous.

Il ne faudrait pas se donner tant de valeur.

Nous ne sommes que reproduction, produit, résultat, cause. L’homme est un animal mimétique. Il est dans sa nature de reproduire ce qu’il voit chez les autres. N’avez-vous jamais remarqué qu’en fréquentant très régulièrement une personne, on se retrouve à attraper certains de ses gestes, de ses mimiques, de ses comportements ? Je ne suis pas une seule personne, avec une seule personnalité. Je suis une combinaison immense d’individus qui ont façonné ma vie à un moment donné, qui eux même ont été façonnés par une quantité immense d’autres individus, et ainsi de suite. L’individu est pluriel. Il agit différemment en fonction de chaque individu avec lequel il échange. L’individu s’adapte à autrui, il n’est jamais le même moi, car il n’en a pas, ou il en a plusieurs, je ne sais pas exactement. Il calibre son comportement en fonction de la personne qui se trouve en face de lui. Erving Goffman nous a montré que le monde n’était qu’un vaste théâtre social, dans lequel les individus ne sont autres que des acteurs. Nous portons tous des masques, mais qui, en revanche, ne cachent pas qui nous sommes, car nous ne sommes personne, et tout le monde à la fois.

Le coté positif, c’est que si je n’ai pas de moi, je ne peux pas me perdre. La phrase Cela ne me ressemble pas, Cela ne te ressemble pas, perd alors tout son sens. Toutes nos actions sont forcément issues de ce que nous sommes, que nous le voulions ou pas. Mais issues d’un moi social plutôt que personnel.

L’identité est également un outil de la société. Elle permet d’obtenir de l’ordre. Elle permet de faire croire aux individus qu’ils ont tous une utilité, une tache, une place bien particulière au sein de la société, une place dont personne d’autre ne peut disposer. L’identité permet d’individualiser la société.

C’est le cas de l’identité sexuelle et de genre. Elle permet de bicatégoriser la société. On ne peut pas être, sans être femme ou être homme. Tout ce qui n’appartient pas à la catégorie d’homme ou femme n’a pas sa place au sein de cette société. En effet, un monde bicatégorique est bien plus simple. Pas de complication, pas trop de choix pour les individus, pas trop de prise de tête . Les filles porteront du rose et les garçons du bleu. Les filles joueront à la poupée et à la cuisine et les garçons au pistolet et aux tracteurs. Les filles ne parleront pas trop, seront plus discrètes et les garçons se devront de s’imposer, de prendre les décisions. Les filles n’aimeront que les garçons, et les garçons que les filles. Les filles seront distinguées et les garçons virils. Il en est ainsi. Il n’en sera pas autrement.

La bicatégorisation du sexe et du genre est un ordre social, un système d’organisation de la société, absolument fictif, qui n’est rien d’autre qu’une vaste prison sociale. Cet ordre engendre des souffrances et des violences inimaginables.

Nous vivons dans un monde où les intersexes sont torturés au quotidien au nom de cette sainte société binaire, pour les « réparer », pour les « corriger », pour les rendre « humains », c’est-à-dire fille ou garçon, rien d’autre. Nous vivons dans un monde où les intersexes subissent des mutilations dès leur plus jeune age pour les « conformer ». Nous vivons dans un monde où ils n’ont pas le droit d’inscrire la mention intersexe dans leur état civil. Nous vivons dans un monde où la médecine et le droit se permettent de choisir à la place des individus leur sexe et leur genre. Nous vivons dans un monde où les intersexes sont considérés comme des monstres. Nous vivons dans un monde où une grande partie de ces individus subissent des abus sexuels au sein des hôpitaux car ils ne sont tout simplement pas considérés comme des êtres humains.

Il est facile de fermer les yeux sur tant de violence, d’injustice et de cruauté. Il est facile de dire que la nature c’est une femme et un homme, que la nature c’est un homme qui aime une femme, que la nature c’est un papa et une maman. Il est facile de naturaliser ce qui appartient pourtant au social. Il apparaît cependant plus difficile pour certains de se rendre compte de l’autoritarisme de cette démarche, du caractère dictatorial de ce système.

Le genre n’est que purement social, il n’existe que pour imposer aux individus un type d’identité, pour les ranger dans une case, pour les catégoriser. Il est l’instrument parfait de conservation d’une société binaire, l’instrument parfait pour contrôler, diriger, surveiller.

Cela dit, ce n’est pas tant le genre qui pose problème en soit, mais plutôt sa bicatégorisation, trop limitée et réductrice, trop stricte et autoritaire. Il ne s’agit pas de supprimer toute trace d’identité, mais plutôt de prendre conscience de son caractère social et de pouvoir la choisir, la transformer, la supprimer, la rendre multiple, l’étendre à l’infini, la rendre fluide, plus libre, moins stricte, moins absurde, moins autoritaire, moins figée. La palette des identités de genre a une capacité immense. Laissons la exister. Laissons les individus s’exprimer comme ils le souhaitent. Laissons les choisir leur identité de genre. Laissons leur le droit de ne pas choisir d’identité de genre si tel est leur volonté. Laissons leur le choix d’être ce qu’ils veulent être. Même si cela ne peut être que social.

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