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MON CORPS EST POLITIQUE

J’ai toujours eu l’impression que c’était un peu mon fardeau. Ou peut être ma condition. Comme le boulet aux pattes du pirate dans les dessins animés. Enfin peut être pas toujours, peut être que j’arrive malheureusement désormais trop bien à dater le moment où mon corps est devenu trop lourd. Le jour où j’ai eu envie d’arracher tout ce truc qui constituait mon enveloppe, toute cette peau pleine de cicatrices, toute cette graisse que je m’inventais.

Mon corps m’a peut être toujours parlé, tenté de me dire quelque chose, de me mettre en garde, de me forcer à m’écouter. Mais il l’a fait trop violemment et maintenant je le déteste, je le hais, il est devenu mon pire ennemi.

Oui, mon corps est mon pire ennemi. Enfin en tous cas c’est avec ça que j’ai vécu une bonne partie de ma vie.

Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu me fais autant souffrir ? Qu’est ce que je t’ai fait putain pour mériter ça ? C’est pas moi qui t’ai fait du mal pourtant. C’est les autres. C’est les hommes. C’est lui quand j’étais petite pendant la sieste. Et c’est l’autre là quand j’avais 20 ans qui n’a pas écouté quand je lui ai dit d’attendre. Alors pourquoi c’est moi qui douille ?

Les mycoses, les infections urinaires, les douleurs chroniques, les maux de ventre, les douleurs fantômes dans le vagin, les épisodes de vaginisme, l’anorexie, la boulimie, l’orthodoxie…..

MAIS PUTAIN. ARRÊTE. C’EST PAS MOI QU’IL FAUT PUNIR , C’EST EUX.

Mais rien à faire… C’est moi que mon corps faisait trinquer.

Du coup j’ai mis en oeuvre toute une série de stratégies, de mascarades pour faire semblant que je l’aimais bien ce corps, que ma féminité c’était cool finalement et que je pouvais me sentir bien dans ce bout de viande qu’était mon enveloppe corporelle. Les talons, le maquillage, le rose, les jupes, les hauts tansparents…

 » Ah bon t’es anorexique toi? Parce que t’as l’air sacrément bien dans ton corps enfin tu le montres, tu l’exhibes, tu l’assumes quoi ».

« Et puis pourquoi t’es anorexique t’as le corps dont tout le monde rêve ».

Ah bon? Celui Dont tout le monde rêve ou celui que tout le monde nous a ordonné d’avoir pour plaire aux mâles dominants hétérosexuels ?

Ah oui c’est quoi qu’ils disent les anglais ? Don’t juge a Book by its cover. C’est pas parce que j’étais sacrément forte pour me déguiser en meuf qui adore son corps, en vrai bonnasse, que tout roulait là dedans. D’ailleurs à l’intérieur c’était le chaos technique. Depuis longtemps. Si ils savaient.

Le corps trop mince et orné d’accessoires féminins de l’extérieur, à l’intérieur la déchetterie, des bouts d’os qui se rongent entre eux, des angoisses qui me dévoraient tout entière. Mais j’étais jolie oui.

Abîmée, saccagée, rongée, mais jolie.

L’autre jour j’ai mis des talons pour aller boire un verre dehors, ça faisait un bail. J’ai eu l’impression de ne plus être moi même, de jouer un rôle, de porter un masque, d’être sage finalement. Est-ce que c’est moi ça ? Ça m’a fait la même chose avec le vernis à ongle ya quelques jours aussi. Ça paraît con mais est-ce que j’aime toujours tout cet attirail? L’ai-je déjà réellement aimé au final? Est-ce que c’est ce que je devais aimer plutôt?

Je crois que je suis davantage moi même quand je fou mes grosses godasses de punk et ma salopette et que je hurle sur des vigiles de vieilles boîtes véreuses qui me refusent l’entrée parce que j’ai pas le look de la it girl parisienne à la mode et qu’on voit pas mes jambes ou mes seins. Je suis mieux en hystérique, en sale droguée qui hurle au scandale quand un macho me fait son show, en sorcière qui n’en a plus rien à foutre de répondre aux attentes sociales et aux codes du genre. Ça m’étouffe. Ils m’etouffent tous autant qu’ils sont.

Mince monsieur j’ai oublié mes talons, mon rouge à lèvres et ma mini jupe chez moi mais jpeux toujours me foutre à poil pour rentrer dans la boîte au moins yaura plus de mascarade.

« Jouer le rôle de la féminité » , ce sont les mots de Despentes qui m’ont fait prendre conscience de deux ou trois trucs. Pour plaire? Pour séduire ? Parce que j’aime vraiment ma féminité ? Je ne sais plus.

Mais en même temps ça va jamais, si on est trop féminine on fait pute et si on est trop virile on devient imbaisable.

Le patriarcat a fixé les règles du jeu, et elles sont sacrément sévères. Être pute ou mère ? Quel sera mon destin?

Mais finalement ya peut être plusieurs types de feminités, comme de masculinités, et c’est tant mieux on se ferait chier sinon dans ce bas monde. Un jour un pote à moi m’a dit que j’étais la meuf la plus féminine et à la fois la plus virile qu’il avait jamais rencontré. Que j’étais toute aussi féminine que masculine. Je l’ai pris comme un compliment même si je n’ai jamais compris si s’en était vraiment un. Moi c’était avec fierté que j’accueillais son jugement.

Mais au bout d’un moment je n’aimais plus me déguiser. J’ai voulu arrêter. Les mecs que ça fera fuir ce sera bon débarras.

Je me cherchais peut être et je me suis sûrement trouvée, enfin je sais ce que je veux être du moins je crois. Je veux être sacrément virile et sacrément sexy à la fois. Je veux pouvoir mettre mes bottes de grosse punk et mon rouge à lèvres le plus rouge, je veux parler « comme un mec » et faire l’amour sensuellement juste après, je veux jouer l’ambivalence, brouiller les pistes, m’amuser avec les codes, faire rire, provoquer, répandre l’interrogation.

Parce que je crois que c’est ce croisement qui fonde mon identité.

Depuis que j’ai compris que mon corps me parlait, depuis que j’ai appris à l’écouter un peu mieux il me le rend. Mais il m’a fait payer le prix fort tout de même. Il a été strict. J’en ai cru être schizophrène . Yavait moi d’un côté, mon corps de l’autre.

Pourquoi, s’il faisait vraiment intrinsèquement partie de moi, était – il aussi sévère ? Pourquoi m’en mettre autant plein la gueule ?

En fait j’avais rien compris. Il m’en a fallu du temps, de l’argent et des séances de psy pour capter ce qu’encore trop peu de monde ne comprend. Les corps parlent, et ils parlent lourdement. Mon corps m’a répété pendant des années que j’allais mal, qu’il s’était passé un truc pas normal quand j’étais gosse et même après, qu’on m’avait volé un truc, et que pour le récupérer ce truc, pour récupérer ce pouvoir, il fallait se faire souffrir un peu. S’affamer, faire disparaitre son corps en maigrissant le plus possible, en devenant presque imperceptible, invisible, se faire vomir, quelle symbolique plus forte ? Quel message plus clair?

J’étais certainement aveugle pour ne pas comprendre que tout était lié. L’anorexie n’était peut être rien d’autre qu’une forme de scarification, une auto-mutilation. Un appel à l’aide de mon corps

.

Puis après ya eu le viol à 20 ans. Venaient donc se greffer à tout ce merdier les infections urinaires, les mycoses, la paranoïa des IST et les douleurs fantômes.

Tu n’auras plus de sexualité Morgane. Ou bien elle sera traumatisante. Jamais vraiment jouissive. Condamnée. Les psy appellent ça des stratégies d’évitement. J’appelais ça mon corps qui me pète royalement les ovaires. Et le vagin surtout. Le sexe pour moi ce n’était plaisant qu’à de rares occasions et avec de rares personnes. Parce que yavait toujours quelque chose de profondément angoissant et anxiogène. Je n’arrivais pas trop à mettre la main dessus , sur ce que c’était, jusqu’à ce que:

La peur de se refaire violer. C’était donc ça. Oui, au fond, si je devais être honnête avec moi même, c’était ça. La peur qu’on me revole encore ma chair. Qu’on me détruise encore et que je doive encore tout reconstruire. La peur que le château de carte s’effondre à nouveau. Après tous ces efforts. Tout ce fric dépensé pour aller mieux tout de même. Oui ça coûte de l’argent de se soigner dans la tête.

Et petit à petit la lumière, les lectures féministes, les manifs, les amies, les témoignages, mes écrits , un métier qui enfin à du sens et des garçons respectueux, enfin, ça existait.

Mais aussi la résilience, j’ai enfin écouté mon corps, arrêté de l’éviter, de lui faire la guerre, de le détester dans sa chair, de vouloir sa mort sans la mienne. Impossible. Je l’ai enfin compris. La sexualité avait enfin son avenir dans ma vie. J’avais dit à toutes les injonctions sexistes et toutes les angoisses d’aller niquer leur daron. Maintenant c’était les mecs qui avaient peur de moi. Je les fait même fuir. Quel pouvoir. J’en avais enfin pris conscience, que j’étais une Bad bitch. Une Bad bitch comme les autres.

Libération, je l’a chantais à tu-tête sous un air de « je suis libertine », merci Mylène.

Le corps, le corps de tous et de toutes, que l’on soit cis, trans, non-binaire, queer, pan, et j’en passe, est politique. Nos corps sont marqués, parfois douloureusement, par nos vécus, par nos histoires, qui celles-ci sont il me semble, déterminées par un carcan social et patriarcal efficace.

Mais apprenons à accepter cet état de fait: L’intime est politique, le corps est politique. Arrêtons de fermer les yeux, apprenons à s’écouter soi même, à écouter les autres. Apprenons à détecter les signes, un corps qui va mal ne vient rien dire d’autre qu’un esprit qui va mal. Les études sur le psychotrauma ont révélé les conséquences dévastatrices des violences sexuelles sur les corps: TCA, TOC, douleurs chroniques, vaginisme, infections urinaires, mycoses, troubles du comportement,endométriose, maladies chroniques,maladies de peaux, cancers gynécologiques, …. J’en passe et j’en passe.

Apprenons donc à laisser parler les corps pour mieux les soigner.

Et pour finir, apprenons à faire un gros fuck à toutes les normes qu’on nous dit de respecter sagement pour mieux rentrer dans le moule. Faisons l’apologie du hors-normes, fuyons les cases, déjouons les codes du genre, réinventons les masculinités, les feminités, les sexualités…

Ça nous fera ptêtre une bouffée d’air frais, qui sait.

@take.one.more_by_gaelle.oro merci d’avoir compris.

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